Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 15:27

derviches.jpgL’Institut du monde arabe propose ce 27 janvier une « Nuit du qawwâlî ». Sous un nom résolument moderne, les Sabri Brothers « New Generation » y animent un concert dans la plus authentique tradition islamique du sous-continent indien. Originaire du Penjab, région à cheval entre l’Inde et le Pakistan, la dynastie des Sabri est vieille de quatre siècles. L’ancêtre éponyme était en effet un disciple de Mian Tansen, chanteur à la cour de l’empereur moghol Muhammad Akbar, protecteur des arts et des lettres au XVIe siècle. Le qawwâlî, genre musical d’essence mystique, a été popularisé sur la scène internationale par Nusrat Fateh Ali Khan. Dans les années 1980 en effet, sa collaboration avec les rockers Peter Gabriel, et, dans une moindre mesure, Eddie Vedder, avait rendu célèbres ses envolées de vocalises (saregam). Deux films de Martin Scorcese, La dernière tentation du Christ et La dernière marche intégreront ainsi dans leurs bandes originales des compositions qawwâlies dues à Nusrat Fateh Ali Khan. Des compositions dans lesquelles les mélodies et les rythmes traditionnels auront été en partie portés par les sonorités électroniques du synthétiseur. Cette innovation, pour choquante qu’elle puisse paraître aux yeux des puristes, n’est pas la première du genre.

Un chant partagé par les chiites et les sunnites
Sous sa forme actuelle en effet, le qawwâlî débute par un prélude à l’harmonium dans lequel est chantée une louange à Dieu (hamd) ; or cet instrument était inconnu avant le XVIIe siècle, époque à laquelle il a été introduit par les missionnaires portugais. La seconde partie, appelée na‘t (« description ») consiste en une louange au Prophète. La tradition du na‘t est fort ancienne. Elle remonte au poète Hassan Ibn Thâbit (m. 674), qui fut compagnon du Prophète et le premier à chanter ses louanges. Les manâqib (« vertus ») constituent la troisième partie d’un qawwâlî. Il s’agit de louanges en l’honneur de ‘Alî Ibn Abî Tâlib, cousin, gendre et compagnon du Prophète, mais aussi son seul successeur légitime aux yeux des chiites. Il est à cet égard intéressant de noter que ces manâqib sont chantées tant dans les qawwâlî-s chiites que sunnites. Une quatrième partie, spécifiquement chiite, est appelée marthiya (« lamentation »). Il s’agit d’une élégie en hommage à la famille de l’imam Husayn, décimée lors de la bataille de Kerbala en 680. La dernière partie enfin est, paradoxalement, constituée d’un poème appartenant à un genre d’essence profane, le ghazal. Il s’agit d’un genre arabe antéislamique qui remonte au VIe siècle. Il chante les vertus de l’être aimé, mais aussi son caractère inaccessible et la douleur suscitée par la séparation. Ces thèmes qui donneront lieu à une brillante poésie courtoise au IXe siècle, sont, dans le qawwâlî, qui naît au XIIIe, réinvestis dans un cadre mystique : ils décrivent l’être qui se languit de sa fusion dans le Divin. L’essentiel de ce répertoire poétique, comme du genre musical qui lui est lié, est dû à Amîr Khusraw (1253-1325), le fondateur du qawwalî et l’un des plus grands poètes de l’Inde comme du monde islamique. Ce Turc de l’Hindoustan, né d’un père turc et d’une mère indienne, est le plus illustre représentant de l’émergence de la culture indo-persane dans le nord du sous-continent. Il aura en effet réussi à fusionner la tradition musicale indienne avec celle du sema, genre né en Perse au VIIIe siècle, et qui donnera, à l’Ouest, sous le même nom, la cérémonie dansée des Mevlevi, célèbre ordre soufi de Turquie. En Inde, au Pakistan comme au Bangladesh, mehfil-i sema est ainsi le nom traditionnel par lequel on désigne aujourd’hui encore une session de qawwâlî.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de karavanseray
  • : Ce blog est destiné aux associations (et entreprises) françaises et de culture moyen-orientales, aux artistes souhaitant recevoir des conseils en matière de gestion, d'organisation, de demandes de subventions, etc... hors activités politiques et cultuelles, et souhaitant faire connaître leurs activités en France, en Turquie et dans les pays du moyen-orient.
  • Contact

Recherche

Archives